La France aime ses grands couturiers, elle rend régulièrement hommage à leurs créativités dans ses plus beaux musées. Le Grand Palais célèbre « l’enfant terrible de la mode » devenu un dieu vivant, un rêve à la française, un destin peu commun. Bref, quand une institution rencontre une autre institution.
Depuis ses premiers défilés, puis tout au long de sa carrière, Jean Paul Gaultier a investi de nouveaux territoires de mode, en élargissant les perspectives, en renouvelant le champ des possibles avec humour et détournement de genre… du genre. Le parcours proposé par le Grand Palais retrace les différents univers de l’écosystème Gaultier. Cette visite permet de mieux comprendre les méandres stylistiques de ce couturier rendu populaire à la fois par la sympathie qu’il dégage ainsi que par ses nombreuses irrévérences. La mixité, le multiculturalisme, et autres enjeux sociétaux transparaissent avec subtilité dans la garde-robe du maître.
L’expérience la plus merveilleuse de cette exposition est la proximité avec le faste de la haute couture et ses robes d’exception. Comment ne pas sourire à l’idée de se retrouver nez à nez avec des rédactrices super star de la mode ? L’œil dévore surtout le travail artisanal des ateliers parisiens de Jean Paul Gaultier. Ces prouesses qui oscillent entre classicisme et modernité sont à portée de main, le jean et le pull marin sont métamorphosés. Une robe en tricot brodée d’écailles de crocodile, une autre en python ou encore les fameuses cuissardes en plumes et surtout les corsets Gaultier dont un réalisé pour la chanteuse Beyoncé méritent le détour. Toutefois, l’expo aurait mérité un parcours olfactif plus consistant parce que le créateur a fait évoluer les codes de la parfumerie avec un jus à la signature entêtante et facilement reconnaissable.
La haute couture, cette institution bien ancrée dans l’archétype parisien du Triangle d’Or, reste d’ordinaire cachée à l’abri des curieux dans de somptueux immeubles haussmanniens. Pourtant, cette fois, elle descend de sa tour d’ivoire. Il n’y a avait que Jean Paul Gaultier pour avoir une attention aussi généreuse que facétieuse. La Mode se « désinstitutionnalise » en s’institutionnalisant avec brio.